A propos du ghosting
Il y a un risque à prendre quand on décide d’avoir des relations : c’est celui de se faire ghoster. Plus jeune, avant que les réseaux sociaux n’existent – je suis un fossile, je sais – j’appelais ça « la mort téléphonique ». Je rencontrais un garçon en boîte, on se roulait des pelles, on s’échangeait nos numéros de téléphone, on se revoyait et puis un jour il ne donnait plus aucune nouvelle. C’est ainsi qu’excédée par ce comportement, je finissais par envoyer un « t’es mort ? » bien passif-agressif.
20 ans plus tard, les relations se sont un peu complexifiées mais le mode opératoire reste le même. On court toujours le risque qu’un jour, sans prévenir quelqu’un décide unilatéralement ne de plus jamais répondre à un message. Comme tout le monde, je déteste me faire ghoster alors j’essaie de pas ghoster, j’essaie de toujours dire la vérité, toujours mon sacro-saint principe de sincérité. Parfois la conversation avec quelqu’un s’arrête et c’est le jeu, mais quand la personne prend des nouvelles ou propose de se voir, c’est la moindre des choses de répondre.
Pour limiter les risques, j’essaie de faire dès le début un pacte avec mes partenaires : un pacte de sincérité et de non-ghosting. Quoi qu’il arrive, on reste sincère sur ce qu’on veut et on répond toujours. Se dire les choses, même si c’est désagréable, c’est toujours mieux que les non-dits. Je commence à considérer les hommes comme des enfants en matière de communication, donc un pacte, c’est une façon de les responsabiliser. J’ai beau toujours faire la grève du care et me foutre de leurs problèmes, je suis obligée de fixer certaines règles.
Pourquoi je vous parle de ça ?
Dans le délire des 36 heures passées avec le Baroudeur, j’ai oublié de lui parler du pacte. On rigolait, on était bien et on avait plein de trucs à se raconter. Alors, j’ai laissé couler. Après, on s’envoyait des messages assez spontanément, en essayant de prévoir ce fameux séjour en Normandie, ou lui un séjour à Paris, alors je me suis dit que ça devrait aller, j’avais affaire à un mec mature ! J’aime la spontanéité !
Et puis, je vous le donne en mille : il m’a ghostée. Les messages ont été plus rares, et un beau jour il n’a pas répondu à un de mes messages qui prenait tout bêtement des nouvelles.
Ah, oui, je vous entends crier d’ici. Moi, j’ai soupiré très fort. Fatigue. Encore un.
Sauf que maintenant, je n’envoie plus de message passif-agressif, pas plus que je ne souffre du ghosting. Pourquoi je devrais me sentir rejetée par un môme incapable de communiquer ? Comme je dis souvent : “C’est pas ma guerre”.
Moi, les ghosteurs, je les dispute, comme des enfants.
C’est pas bien de ghoster, c’est blessant pour l’autre qu’on laisse dans l’expectative. C’est mieux d’être sincère, de dire la vérité. Ils ont le droit de changer d’avis, il n’y a aucun souci, c’est la base, néanmoins il faut le dire, c’est mieux. Un truc du style.
En l’occurrence, là c’est notre amie commune qui a pris les devants en lui disant qu’il faisait quelque chose de pas bien.
Alors, trois heures plus tard, il m’écrivait pour s’excuser, penaud, pataud, dans un message à rallonge qui disait en substance qu’il n’osait pas me dire qu’il n’allait pas pouvoir venir à Paris et qu’il avait sans doute trouvé un travail en Normandie. Un truc terrible : un travail de vendeur de voitures. J’ai failli m’étouffer ! Et pourquoi pas vendeur d’assurances tant qu’on y était ? Rendez-moi mon aventurier !
Malheureusement tout ceci rendait son agenda moins libre. Il n’aimait pas vexer les gens et savait pas comment me le dire.
Ah oui, l’enfant. Incapable d’avouer qu’il avait cassé le pot de confiture alors il est parti se planquer derrière les rideaux en accusant le chien. Je lui ai dit qu’il fallait apprendre à communiquer, qu’il n’allait pas me vexer s’il ne pouvait pas venir à Paris un week-end, c’était la vie et on était grands.
Epilogue :
On a un peu échangé, il était toujours partant pour cette histoire de week-end, mais il n’avait pas de date, il ne savait pas quand il allait commencer à vendre des voitures.
C’est pénible n’empêche, on chope un aventurier sans attaches et on se retrouve à faire un Doodle comme des vulgaires parisiens qui essaient d’organiser un apéro avec les potes qu’ils voient jamais.
J’ai laissé tomber.