Quand on vient de se séparer, et qu’on croise des gens qu’on n’avait pas revu depuis quelques temps, on sent sur nous des regards inquiets. Ils marchent un peu sur des œufs en demandant : « et comment tu vas ? ».
Forcément, on se retrouve seule, on sort d’une sale épreuve, on a dû beaucoup pleurer et manger plein de glaces en pyjama sur son canapé ! La pauvre ! Elle doit être triste ! A son âge ! 36 ans et célibataire, comment elle va faire ? Est-ce qu’elle a prévu de congeler ses ovocytes ?
Le truc, c’est que moi, je réponds : « Bah hyper bien, je n’ai plus la moindre contrariété ! ».
Je conçois que ce soit un peu déroutant. Mais je n’invente rien, Queen Judith m’a dit « Ah mais c’est super tu rayonnes depuis que tu es célibataire ! » et ma psy m’a dit « Je ne voudrais pas vous vexer mais je vous sens beaucoup plus épanouie depuis votre rupture ». Elles ont complètement raison, je me lève chaque matin avec le sourire et j’ai un sentiment d’euphorie et d’alignement qui ne me quitte pas.
Il y a trois ans, j’ai quitté Grand Ex, car trop absorbée par 9 belles années d’amour avec quelqu’un de merveilleux, j’avais oublié d’être ma propre personne. Je m’étais faite rattrapée par le patriarcat et cette injonction nocive à forcément être en couple, cette norme sociale qui nous dit qu’on ne vaut rien si on n’a pas un homme pour nous compléter. Tant et si bien qu’une fois que j’avais rencontré le Prince Charmant, j’avais progressivement oublié tout le reste. D’ailleurs, dans les contes, on ne raconte jamais ce qui se passe vraiment après que la Princesse aie trouvé son Prince !
Moi, je m’étais perdue en route, j’avais fait tout ce que j’avais dit que je ne ferai jamais, ne pas me garder un espace à moi, disparaitre dans un couple et ses multiples activités, surinvesti l’amour comme solution à tous mes problèmes et comme but ultime de ma vie…
Alors, après cette rupture, j’étais de toutes les fêtes, de toutes les déconnes et de toutes les blagues. J’ai passé cet été-là à refaire connaissance avec moi-même, pour de bon cette fois, et à toujours être excitée d’être à demain, car demain c’était une nouvelle aventure. Je me suis promis une chose : ne plus jamais oublier qui j’étais, même par amour.
Au bout de 5 mois de ce régime, je faisais une très belle rencontre, et j’avais – comme d’habitude – décidé de foncer pleine balle. C’était cool, cette fois j’avais mon espace et mon individualité, on rigolait bien. Deux ans plus tard, j’ai compris que malgré toutes mes lectures féministes, je m’étais encore enfermée dans un schéma ! Cette fois, le bon vieux cliché de la meuf qui attend que le mec s’engage et lui dise enfin qu’il l’aime, pendant que lui préservait jalousement son indépendance et avait du mal à parler de ses émotions. Quoi, moi ? Je suis tombée dans ce truc vieux comme le monde ? Ah mais quel enfer ! Quoi, comment ça je ne suis pas assez bien pour que tu m’aimes ?
Alors j’ai décidé de partir en lui disant « tu sais, j’ai été aimée très fort dans ma vie, je ne me contenterai pas de moins. ». Après tout, s’il était assez bête pour vouloir rester avec une meuf dont il n’était pas amoureux, c’était son problème, pas le mien. Moi, il ne me restait plus qu’à en rire.
Je vais bien car je vis cette rupture comme un grand élan féministe. Cette fois, j’ai décidé que je n’étais pas un paillasson et que je n’avais pas à me soumettre au bon vouloir affectif d’un homme. Être alignée avec ses convictions, c’est un sentiment ultra puissant qui fait pousser des ailes.
Alors, je laisse l’aléatoire entrer dans ma vie, je me retrouve dans des soirées ou j’étais pas invitée et je me fais plein de copains que je revois par la suite. Je vais faire la fête chez les punks à crêpes avec une belle équipe, je monte des gangs de copines. J’embrasse un fonctionnaire des impôts dans un bar de centre-gauche et il me parle de son devoir de réserve. Je rencontre un chaton perdu aux beaux yeux en after et c’est un fiasco. Je n’ai pas de contraintes, pas d’heure à laquelle rentrer, et surtout, putain, surtout, ma valeur ne dépend pas du regard d’un homme. Je vis, je suis à nouveau de toutes les déconnes et de tous les possibles, avec ces sentiments de liberté et de joie qui ont décidé de ne pas me lâcher.
Et puis, il y a eu un garçon avec un sourire à mourir qui m’a dit « je te kiffe grave » après tout juste une heure à se rouler des pelles dans bar. Ça devait être de sacrées pelles, ou un sacré bar ! Ça m’a fait taper le cœur un peu plus fort, et me dire « tiens, ça marche encore dans ce coin là ? ». Alors même si c’était pas le bon timing, il ne reste plus qu’à garder ces moments précieux en souvenir, et me dire qu’on verra bien.
Mais, oui ! Je sais que je ne suis pas vraiment loin d’une autre belle histoire. Je suis une grande romantique dans le fond, j’ai envie que ça tape et de me faire emporter par la magie de la complicité. Mais ce que je sais surtout, c’est que la prochaine fois, je mettrais un point d’honneur à réinventer l’amour, à essayer de déconstruire à deux tous ces mécanismes ancrés histoire de ne plus jamais avoir à rompre pour des raisons politiques.
Bibliographie, quelques lectures et écoute pour ceux que ça intéresse
- Les sentiments du Prince Charles, et La rose la plus rouge s’épanouit, de Liv Strömquist
- Révolution Amoureuse, pour en finir avec le mythe de l'amour romantique, de Coral Herrera Gómez
- Le cœur sur la table, le célébre podcast de Victoire Tuaillon qu’on ne présente plus
- Sorcières, de Mona Chollet
- Réinventer l’amour, comment le patriarcat sabote les relations amoureuses, de Mona Chollet (Pas encore lu, mais c’est pour bientôt)