Vouloir vivre des aventures et donc rencontrer un aventurier
Il y a trois ans, si j’ai quitté une très longue relation, c’est que je ne voulais pas que ce soit la fin de l’Histoire. Je ne voulais pas me dire un jour : « Et ensuite, plus rien ne s’était passé ».
Alors je suis entrée dans un printemps-été de célibat joyeux et festif, j’avais décrété que la vie était une aventure. Je ne voulais plus me compliquer la vie avec des contingences et des contraintes.
Des aventures, je voulais en vivre mille, rencontrer toutes les personnes possibles, découvrir tous les lieux, écouter tous les DJs, être de toutes les fêtes, tout voir, tout faire : être partout. Chaque jour, je me levais, un peu euphorique, car j’étais excitée d’être à demain. Je me disais « Chouette, demain, c’est encore une nouvelle aventure ! ».
C’est sans doute le printemps, et cette décision de rentrer dans une grande phase d’exploration, mais cela recommence : j’ai envie d’aventures. Chaque fois que je sors de mon appartement, je me demande où cela va me mener. Je sautille dans l’escalier. J’ai encore envie d’être partout, de vivre à cent à l’heure, de faire un millier de rencontres, de voir tous les sourires, et d’aller où mes pas me mènent en suivant juste l’envie du moment. Alors, des rencontres, j’en fait beaucoup.
Dans un de mes bouquins féministes préféré « Révolution Amoureuse, pour en finir avec le mythe de l’amour romantique » de Coral Herrera Gomez, que je vous recommande vraiment chaudement, il y a un passage qui dit :
« Les femmes joyeuses sont dangereuses pour le système patriarcal, qui nous veut tristes et anesthésiées. C’est pourquoi, nous les femmes qui avons décidé de ne plus souffrir par amour, nous revendiquons l’importance du plaisir, du bien-être et du bonheur. Nous avons le droit de profiter de la vie, de faire les choses qui nous rendent heureuses, de profiter de notre temps libre, de nos passions, des personnes que nous aimons et qui nous aiment. ».
J’ai adoré cet extrait : c’est exactement ce que j’essaie de faire, être heureuse, vivre à fond, faire ce que j’aime, et surtout ne plus jamais souffrir pour un homme. Si, en plus ça fait de moi un danger public pour le patriarcat, c’est vraiment la meilleure nouvelle de l’année !
La tête pleine de tout ça, un soir, je fêtais l’anniversaire d’une de mes acolytes de teuf. La veille elle m’avait dit : « Ah ! demain il y a mon meilleur pote qui revient d’Australie, il est pour toi, tu vas faire un tout-droit ». Alors, vous vous doutez bien, j’étais très excitée d’être au lendemain.
Dans le premier bar, on avait sagement mangé des frites et du gâteau, il était loin de moi, je l’avais vu, grand, le genre mal rasé avec un hoodie à capuche. A un moment, ma pote m’a regardée et m’a dit « Alors, oui ou non ? » en haussant les sourcils d’un air satisfait. J’ai hoché la tête avec une petite moue : « oh ! bah oui. ». Le contraire eût été étonnant : je me suis fait une spécialité de faire mon marché parmi tous ses potes garçons.
L’anniversaire a suivi son cours d’anniversaire parisien : on a commencé à errer dans le 11ème à la recherche d’un lieu accueillant. Quand on a enfin tous été debout près d’un comptoir, j’ai poussé tout le monde : « pardon, pardon, j’ai un truc à faire ! ». Je me suis mise en face de lui et j’ai dû lui dire « Salut, tu es qui toi ? ». Puis, je lui ai volé son verre.
C’est à ce moment-là qu’il a pensé : « Mais quelle chipie ! Quelle irrévérence ! C’est avec elle que je veux finir cette soirée. » Il me l’a avoué, après. Moi, je l’avais senti rien qu’à son regard que c’était dans la boîte et qu’il n’allait pas être très long à convaincre.
Quand 20 minutes plus tard le bar fermait, on est repartis avec toute l’équipe afin de trouver un lieu où danser, on s’est embrassés sur le chemin, histoire de sceller le truc. C’était ensemble qu’on allait passer cette soirée.
On a discuté, on s’est embrassés. Je me suis accrochée à son cou en lui racontant des blagues. Il s’est laissé embarquer jusqu’au bout de la nuit. Il m’a suivi dans tous mes délires. Je lui ai dit « attention, avec moi tu signes pour la déconne ! », et il n’a pas eu l’air de se formaliser plus que cela.
J’adore les gens qui se laissent embarquer, les dingues, les irresponsables, ceux qui ne se restreignent pas, qui ne réfléchissent pas deux fois avant de parler, ceux qui se disent « des limites, mais enfin, pourquoi ? ». C’est vrai ça, il rentre de l’étranger : pas d’attaches, pas de problèmes ! Lui c’est un aventurier, il a parcouru le monde, vécu dans le bush australien, alors il a bien le droit de me proposer des choses délirantes alors que je suis très occupée à danser sur de la house très deep. Pourquoi s’embêter après tout ? On est grands, on est libres !
« Je pars bientôt en Colombie, tu viens avec moi ?
- Ah mais non je rentre juste du Mexique !
- Et alors ?
- Certes. Non, mais j’ai pas de passeport.
- Mais comment ça, tu vis sans passeport ?
- Bah il est périmé, et c’est compliqué d’en faire un nouveau à Paris en ce moment.
- Sinon, viens en Normandie, j’y reste quelques semaines chez mes parents.
- Tu vas vraiment ramener une random zouz chez tes parents alors que tu ne la connais que d’une soirée ?
- Un AirBnb sur la plage alors ? »
Il avait une solution à toutes mes objections pragmatiques. Si je l’avais embarqué jusqu’au bout de l’after, lui m’embarquait dans la baroude, dans une vie sans problèmes, uniquement centrée sur « qu’est-ce que tu as envie de faire maintenant ? ». Je me suis sentie tellement normale avec mes problèmes administratifs.
Lui, les problèmes, ça ne l’intéressait pas. Le matériel non plus, quand on est sorti du club, il était en chemise :
« Mais qu’est-ce que tu as fait de ton pull ?
- Je sais pas, je l’ai prêté à quelqu’un qui avait froid.
- Et ton manteau ?
- Je sais pas, perdu dans le premier bar. »
J’ai éclaté de rire devant tant de détachement pour les choses du quotidien. J’avais trouvé un baroudeur au grand cœur, capable de donner sa chemise à un inconnu qui grelottait. Il m’a dit que j’étais complètement son genre, avec mon irrévérence.
L’irrévérencieuse et le baroudeur au grand cœur : ça sonnait bien. Alors, quand 3 jours plus tard, il m’a écrit : « ça passe toujours pas, cette envie de te voir », je lui ai dit : « on trouve une date, je prends un train et on se trouve un AirBnb sur une plage de Normandie ? ».
Et puis voilà, encore une aventure qui me rend excitée d’être à demain.
A suivre ?