Est-ce que nos rencontres ont un sens ?
Je crois que dans le fond, il y a très souvent un message caché derrière ce qui nous arrive
Petite Pleurotte (ici) faisait le pitre tout le temps. Vous savez, le genre de mec qui fait tout le temps des blagues, place un bon mot toutes les minutes et colle une bonne référence au milieu. Le genre de mec que j’adore. Il était à peine chez moi et il avait déjà donné environ dix surnoms différents à mon chat, et la bestiole me regardait avec l’air de dire : « c’est qui ce dingue, encore, Marion ? ».
A lui, je lui disais : « cesse de faire le clown ! ». Mais non, il ne pouvait pas s’en empêcher. Forcément, ça me faisait marrer, toute cette énergie. Puis, il m’évoquait Pio Marmai, en mieux : il avait un plus joli nez. Alors, moi je ne pouvais pas m’arrêter de rire.
Dans la conversation, il m’a parlé de mon legging « galaxy », j’ai tiqué. Il ne m’avait pas vue avec un legging galaxy et on avait juste échangé nos numéros, il n’avait pas mon instagram pour trouver mes photos de soirées. Et puis j’ai compris : il m’avait juste stalkée sur Facebook avec mon nom de famille sur l’interphone, je porte ce legging sur une vieille photo de profil. J’ai trouvé ça mignon, parce que j’aurais fait la même chose.
Il utilisait des mots désuets, comme « patachon » et « fanfaron ». Alors j’ai commencé à lui parler de mes mots préférés à moi, sans faire de pause pour respirer : « j’adore farfelu. Tu vois mon legging hier soir à la teuf il était farfelu et dans ces soirées il a beaucoup de chemises farfelues pleine de couleurs et de motifs à la con comme les citrons et les pastèques. J’utilise beaucoup zinzin aussi on ne l’utilise pas assez et il y a aussi un synonyme que j’adore c’est maboule. Je le mets à toutes les sauces. »
Il m’a regardée, il a rigolé, on se roulait des pelles sur mon canapé avant que je ne dégénère : « Mais tu es complètement cintrée toi, non ? J’ai dit un mot et tu m’en as lancé mille ».
Mais c’est qu’il ne faut pas me lancer sur la déconne moi ! J’ai un faible pour les gens avec du vocabulaire ! Forcément je plonge, je fonce, et je pourrais passer ma journée à rebondir à ses blagues ! Quand il m’écrivait il avait à chaque fois une nouvelle accroche pour me dire bonjour. Ma préférée ça aura été « salut maîtresse des champignons », ça m’allait bien. Alors moi aussi j’inventais toujours une nouvelle accroche pour lui dire bonjour.
Dans tout ce bordel de bons mots, j’avais l’impression qu’il freinait des 4 fers. Faut dire qu’il était en galère, à squatter chez une pote car il venait de se séparer depuis une semaine, à être en plein dans une reconversion pro qui le foutait dans la précarité. Alors mes leggings farfelus et moi, on est arrivés pile poil au pire moment. J’ai un sacré sens du timing quand je m’y mets. Il pouvait m’envoyer plein de messages comme rien pendant trois jours, répondre du tac-o-tac ou bien tout simplement attendre passivement que je relance. De mon avis expert, ça ne sentait pas bon cette affaire.
J’ai un problème actuellement : ayant l’esprit plutôt disponible et le cœur libre de tout attachement, je tombe amoureuse chaque week-end d’un joli garçon différent. Ils sont tous très beaux, très sympas et je leur trouve toujours un petit-quelque-chose qui fait que je vais partir en délire pendant quelques jours et me projeter dans une grande aventure ou une belle histoire. J’en parlais avec une lectrice, elle, si elle chope un mec de Bordeaux, elle imagine le vignoble dans lequel elle va se marier. Moi, s’il a la bonne idée de faire plus d’1m80, je pense aux bottes à talons que je vais pouvoir sortir cet hiver.
C’est la maladie du cœur d’artichaut. On fait pas exprès, c’est encore un coup du patriarcat.
Tenez, l’autre soir, j’étais dans un bon coin à champignons. Enfin, en théorie. Car, ce soir-là, on avait beau très bien regarder, on ne voyait rien. Ça me rappelait mes 16 ans, quand avec l’incroyable Dassou – l’amour de ma vie depuis la maternelle pour ceux qui ne sauraient pas encore – on regardait, on regardait, et rien. Alors je lui disais : « Dis-moi, Dassou, mon amie Dassou ne vois-tu rien venir ? », et elle secouait la tête d’un air triste.
Je dansais donc avec les copains. Puis je me retourne, et… oh ! Une belle surprise dansait juste derrière moi ! Vous savez comment je procède maintenant. Je vais donc lui dire « Bonjour joli garçon ! ». Il a souri, un sourire incroyable, avec des fossettes : « bonjour jolie brune ! ». On s’est roulé des pelles, comme d’habitude. Il avait des yeux bleu-canard à la hauteur de son sourire. Les copains ont regardé la scène en me faisant des grands gestes pour me féliciter. Vraie championne !
Il avait un prénom à coucher dehors qui ressemblait à une variété de fromage. Alors je l’ai appelé « Nom-De-Fromage » toute la soirée. Dassou me dit toujours qu’avec mes vannes infernales je fais un sacré filtre à cons. C’est sûr qu’il faut avoir le sens de l’humour bien accroché. Lui, il me sortait son sourire à fossettes à chacune de mes blagues et à la fin, on s’est mis d’accord pour le prénommer Brillat-Savarin, j’aimais bien. C’est un fromage délicieux.
Je lui ai dit qu’il embrassait hyper bien : « Mais non, il faut juste être deux pour ça ».
Alors comme d’habitude, je suis tombée amoureuse pour les prochaines 48 heures.
C’était amusant, car lui aussi il sentait le mec pas disponible. Encore une reconversion : il avait abandonné sa collab’ en droit du travail pour être acteur. Avec un sourire pareil, c’était bien normal. Je rencontre les mecs par vague, après ma vague de mecs pas disponibles, j’ai atteint la vague de mecs en reconversion. Moi la reconversion, le double boulot, les horaires chiants, ça me dit que le mec n’a pas la moindre bande passante, qu’il ne sera pas disponible pour la spontanéité que j’aime bien, même pour une passade. Il va falloir prévoir, organiser, sortir le doodle pour se voir. Vas-y que je vais devoir envoyer des messages, faire des efforts, trouver un créneau, m’adapter. Ah purée, non ! J’ai dit que je m’adaptais plus.
La blague, c’est que deux jours plus tard, j’ai rencontré un autre mec en pleine reconversion. Là j’ai très sérieusement regardé le ciel étoilé en lui demandant ce qu’il me voulait me dire avec cette trilogie.
Puis j’ai réfléchi : Je me suis dit que j’étais en pleine dissonance cognitive avec ma maladie du cœur d’artichaut, tomber que sur des mecs indisponibles c’était incohérent avec l’idée de se projeter pour se marier dans un vignoble (il faut toujours que j’exagère un peu).
Et puis j’ai réalisé : moi aussi j’ai du pain sur la planche, j’ai entamé un bilan de compétences pour mieux me connaître dans le boulot, j’ai envie de prendre cet été pour faire une pause, essayer d’écrire, sans doute pas que ici, et rire beaucoup avec les copains, de vacances en festivals. Tomber amoureuse, m’adapter et dégager des créneaux, j’avais mieux à faire, encore.
Je suis un peu mystique quand je m’y mets, j’ai tendance à croire qu’on attire ce qu’on dégage et qu’il y a des messages envoyés par l’aléatoire dans ce qui nous arrive. J’aime aussi beaucoup la sémiologie, alors forcément, je vois de la symbolique partout.
Alors avec cette vague de mecs pas disponibles, j’ai décidé de croire qu’on me disait quelque chose : moi aussi, dans le fond je n’étais pas super disponible, alors cela ne servait strictement à rien de se projeter avec le premier inconnu qui passait.
Alors, j’ai décidé d’écouter le message: je n’ai rappelé personne. J’ai décidé de les voir comme des jolies chopes, comme du fun et de la déconne, car tout porte à croire que quelque chose de suivi, c’est pas le brief du moment .
Et c’est déjà pas mal.